Visite de Muhammad Yunus au Cambodge

Visite de Muhammad Yunus au Cambodge

7 mars 2014

© photos : Emeline Fantaisie

Pour sa première visite au Cambodge, Muhammad Yunus a rendu visite aux bénéficiaires de Chamroeun

Muhammad Yunus, vigoureux développeur et promoteur de la microfinance et du social business, Prix Nobel de la paix 2006, était en mars 2014 pour la première fois au Cambodge. Il participait en effet à la visite terrain d’administrateurs, comme lui, de la Fondation Grameen Crédit Agricole, qui soutient Chamroeun, une IMF* créée par Entrepreneurs du Monde en 2006 et aujourd’hui parmi les 10 plus importantes du pays, et leurs bénéficiaires avec qui il a eu des échanges constructifs au cours d’une demi-journée de visite terrain.

Ainsi, dans le quartier de Boeung Tompon, un bidonville au sud de Phnom Penh, le Prof. Yunus a assisté à une formation sur le surendettement rassemblant une vingtaine de femmes et leurs enfants. Presque tous les habitants de cette zone marécageuse vivent du maraîchage. Ils cultivent leurs champs autour de leurs maisons sur pilotis, cernées par l’eau en saison des pluies, et écoulent leur production à Phnom Penh. Chamroeun est présente dans la zone depuis 2008 et y compte une centaine de bénéficiaires.

Les échanges après la formation ont été faciles : les femmes vivant là ressemblent à celles du Bangladesh qui ont poussé Muhammad Yunus à se consacrer à la microfinance : activités principalement agricoles, maisons exposées aux inondations fréquentes, situation précaire en particulier pour les femmes… mais aussi un bel esprit entrepreneurial chez la plupart !

Une participante, Vannak Meas, a témoigné de sa réussite : à partir d’un premier prêt de 54 € auprès de Chamroeun, elle a progressivement développé ses activités de culture de liserons d’eau, une plante appréciée dans la cuisine cambodgienne. Elle rembourse actuellement son douzième prêt, de 324 €. Muhammad Yunus a encouragé Vannak et ses consoeurs en leur partageant sa conviction : oui, on peut complètement changer sa vie, par des petits pas successifs. Vannak a expliqué cependant que les situations des familles de la zone restent fragiles. Tous sont locataires de leurs terres et risquent l’expulsion : peu à peu les marais sont remblayés et vendus à des investisseurs pour des projets immobiliers ou commerciaux. Les familles risquent de perdre en même temps leur maison et leur travail.

Emue, une partenaire s’est  approchée de M.Yunus à la fin de la formation pour exprimer une attente forte de la communauté : pouvoir payer les frais médicaux pour leurs familles. Sophea Suon, directeur de Chamroeun, a alors expliqué que l’IMF teste justement une offre de micro-assurance dans une autre région du Cambodge. Elle sera étendue cette année aux 15 régions où Chamroeun est présente. 55 000 micro-entrepreneurs pourront en bénéficier.

Theary a accueilli M. Yunus devant sa maison, où elle vit avec son mari. Leurs deux enfants, 8 et 10 ans, vivent avec leurs grands-parents dans le sud du Cambodge, près de la frontière vietnamienne. Son prêt de 317 € lui permet de louer la terre qu’ils cultivent, d’acheter les semences et les outils nécessaires et de couvrir les dépenses de la famille en attendant la récolte.

Yunus a aussi beaucoup discuté avec le comité de direction de Chamroeun, les membres de son conseil d’administration et l’équipe d’Entrepreneurs du Monde. Il a en particulier encouragé Chamroeun et Entrepreneurs du Monde à investir en capital dans les structures lancées par de jeunes entrepreneurs, organiser des « design labs » où des jeunes viennent présenter leurs idées de création d’entreprise et trouver des partenaires et des financements, proposer des formations professionnelles que les étudiants peuvent rembourser une fois embauchés. Pour l’industrie textile qui représente 10% du PNB du pays et emploie 90% de femmes, Yunus suggère de former des jeunes femmes aux machines utilisées dans les usines, pour leur permettre d’être embauchées et rapidement mieux payées car performantes. Il s’est montré très attaché à la transformation de jeunes et de chômeurs en entrepreneurs.

Il a aussi appelé Chamroeun et Entrepreneurs du Monde à développer des entreprises sociales, pour permettre de réaliser durablement des objectifs sociaux grâce à l’atteinte d’un équilibre financier. Stéphanie Delepine, responsable Asie d’Entrepreneurs du Monde pour la Mission Sociale a expliqué que l’ONG avait déjà, en Haïti et au Burkina Faso initié des entreprises sociales favorisant l’accès à l’énergie et qu’une nouvelle venait d’être lancée au Cambodge en partenariat avec Chamroeun.

* IMF : Institution de microfinance