Au Togo, les femmes ont encore plus de difficultés que les hommes pour lancer leur entreprise

Au Togo, les femmes ont encore plus de difficultés que les hommes pour lancer leur entreprise

Aujourd’hui, seuls 25% des Togolais ont accès à une banque. Près de 3 millions de travailleurs sont dans l’économie informelle sur 8 millions d’habitants et au moins 52% de ces activités sont menées par des femmes ! 

Raphaëlle Constant, journaliste chez RFI, s’est rendue au Togo pour enquêter sur les femmes et les micro-entreprises. Elle a notamment interviewé l’animateur et des bénéficiaires d’Assilassimé, institution de microfinance sociale d’Entrepreneurs du Monde.
Découvrez ces témoignages dans son reportage « Femmes et micro-entreprises au Togo » de l’émission 7 milliards de voisins !

La microfinance au Togo pour encourager l’entrepreneuriat des femmes

Depuis 20 ans, beaucoup d’institutions de microfinance se sont installées en Afrique. Au Togo, la microfinance s’est démocratisée : on compte aujourd’hui plus de 90 institutions de microfinance et près de 500 points de service.

Malheureusement, la plupart de ces institutions ont des taux d’emprunt élevés : jusqu’à 25%. De nombreuses femmes ont ainsi vu leur activité couler à cause du calendrier de remboursement et de leur surendettement.
Pour les plus pauvres, notamment les femmes, l’accès au crédit ou à un capital de départ pour entreprendre reste difficile. En milieu rural, c’est encore plus compliqué, puisqu’il y a très peu d’agences de microfinance. En effet, ces agences s’installent souvent dans des milieux où elles peuvent être rentables : en ville.

Face à ce constat, Assilassimé, programme de microfinance sociale d’Entrepreneurs du Monde depuis 2012, vise les personnes exclues du système financier classique, et ceci même en zone rurale.  Elle leur accorde un crédit sans caution et sans garantie matérielle financière. Aujourd’hui, Assilassimé compte plus de 60 000 entrepreneurs, dans les 9 agences du pays et 92% de ces micro-entrepreneurs accompagnés sont des femmes !

La différence entre entreprendre en milieu urbain et rural :

Jacques AFETOR

Témoignage de Jacques Afetor, directeur d’Assilassimé :

« En milieu rural, il est obligatoire de faire une activité agricole (culture, élevage). En ville, les femmes font généralement du commerce,  et elles se chargent de la vente des produits récoltés dans les champs de leur mari. Si dans sa famille, personne ne peut l’aider à entreprendre, la femme se trouve dans l’obligation de demander un crédit à une institution financière. Mais généralement, la femme n’a pas suffisamment de moyens pour fournir une garantie pour solliciter un crédit : comme les papiers du terrain, les papiers attestant d’un moyen de déplacement comme une voiture, une moto… Ce sont souvent les maris qui ont ces papiers-là, les femmes doivent donc aller les voir pour qu’ils leur prêtent le titre foncier s’ils en ont un. C’est donc très compliqué pour elles. Une femme qui a envie d’entreprendre sera limitée, et va plus rapidement baisser les bras. Elle va ainsi continuer sa toute petite activité de subsistance qui lui permet de se nourrir, se vêtir et peut être de payer ses soins médicaux dans des petits centres de santé. »

Comment fonctionne Assilassimé ?

« Nous avons différents types de crédit :

  • Le crédit coup de pouce : un crédit inférieur ou égal à 5 000 FCFA* (environ 30€) qui est offert aux bénéficiaires qui n’ont pas les moyens et veulent démarrer une petite activité. Le taux d’intérêt et les frais de gestions sont nuls (0€).

Si l’activité existe déjà, mais que l’entrepreneur veut la développer davantage:

  • Le crédit Amenovi : un crédit avec 1,5% dégressif par mois, avec des frais de gestion qui représentent 1,45% du montant du crédit accordé. Si jamais il y a un risque qui survient, alors c’est Assilassimé qui s’en charge. Il y a juste une contribution de 200 FCFA pour les bénéficiaires qui demandent un prêt supérieur à 20 000 FCFA. Cela permet, en cas de décès, de pouvoir puiser dans cette caisse de solidarité pour combler le manque créé.

Aujourd’hui, ce système marche bien : le crédit n’est pas remis aux bénéficiaires et on attend le remboursement : il y a aussi tout un accompagnement pour permettre à la personne de réussir le développement de son activité ! Nous avons avec Assilassimé, deux personnes qui s’occupent du suivi : l’animateur et le conseiller agricole. Ils accompagnent et s’assurent avec le bénéficiaire que le vétérinaire vient régulièrement pour vacciner les animaux, voir si les techniques culturales enseignées dans nos formations sont bien respectées pour assurer de bons rendements… Avec cet appui, l’activité fonctionne plus facilement et la personne peut rapidement rembourser son crédit. Elle peut ainsi dégager une marge pour réaliser ses projets. »

bénéficiaire

Témoignage d’Afua, productrice et vendeuse d’huile de palme, et bénéficiaire d’Assilassimé :

bénéficiaire assilassilmé

Quel a été le procédé pour démarrer votre activité ?

« J’ai commencé mon activité il y a quelques années avec l’aide d’une petite association de crédit et d’épargne de femmes du village : une cotisation à la tontine de 500 FCFA qui était mise en place. On s’est ensuite rendu compte que le président du bureau, qui devait garder l’argent en lieu sûr, a dépensé une partie de l’argent collecté sans nous le dire ! On a quand même réussi à se débrouiller pour acheter du matériel pour notre activité : comme des bassines et des noix de palmes. Puis, j’ai entendu qu’Assilassimé avait aidé des personnes du village dans le lancement de leur activité grâce à des formations et des crédits à 0 %, même si les personnes ne possédaient pas d’épargne. Du coup, j’ai intégré un des groupes de mon quartier.
Mon premier crédit était de 35 000 FCFA (environ 53€). Avec cette somme, j’ai acheté des noix de palme pour préparer de l’huile et je l’ai vendu au marché… puis j’ai recommencé et ainsi de suite les semaines suivantes ! Petit à petit, j’ai réussi à épargner un peu et au bout de trois mois j’ai commencé à faire des bénéfices. J’ai pu épargner 10 000 FCFA après avoir payé les noix, mes dépenses personnelles (le loyer, l’électricité, les frais de scolarité et les fournitures pour mes enfants), tout en remboursant mon emprunt ! Avant, je n’arrivais pas à faire tout cela. J’ai demandé un second crédit de 50 000 FCFA pour augmenter ma production. J’ai pu étaler mon remboursement sur 6 mois en payant 2 fois par mois, toutes les 2 semaines. Aujourd’hui, j’en suis à mon 5ème crédit. Sur les 100 000 FCFA empruntés à Assilassimé, j’ai dû rembourser 104 000 FCFA, donc cela fait seulement 4 000 FCFA d’intérêt !

Qu’est-ce que vous avez appris avec Assilassimé ?

Avant de connaître le programme Assilassimé, je transformais le produit, et je le vendais tout de suite, je ne gagnais pas grand-chose. Entre les mois d’août et de février, l’huile de palme se fait plus rare car on trouve moins de noix et elles sont donc plus chères. Maintenant, en plus de ma préparation, je m’approvisionne chez d’autres transformatrices avant cette période. Je fais des stocks et revends l’huile à ce moment-là, ce qui me permet de vendre toute l’année et de faire des bénéfices.

J’ai donc appris à stocker le produit fini, à vendre au moment où le prix est le plus élevé et à ne pas me précipiter pour gagner un peu plus d’argent. J’ai aussi appris à épargner, à éviter le surendettement et à gérer mes petits bénéfices pour subvenir à mes besoins.

C’est difficile d’épargner à cause des charges familiales. Globalement avec la vente des amandes triturées et séchée, de l’huile de palme et des coques… je gagne 15 000 FCFA par semaine. Etant la troisième femme de mon mari, je n’ai pas d’appui de sa part, sachant qu’il est parti rejoindre son village d’origine et m’a laissé ici avec les enfants à charge. Faute de moyen, je n’ai donc pas pu scolariser mes enfants longtemps, j’ai été obligée de leur trouver des travaux domestiques pour m’aider à réduire les charges. Aujourd’hui, j’arrive quand même à m’en sortir grâce au développement de mon activité, merci à Assilassimé de m’avoir rendu le sourire ! »

*FCFA : monnaie officielle au Togo.

Vous souhaitez écouter le reportage de Raphaëlle Constant ? Cliquez sur le lien média ci-dessous !